Six raisons pour lesquelles le spectacle du John Medeski’s Mad Skillet est un must

29 août 2019

Catégorie Le Journal de Nicolas Houle
Types Entrevue
Écrit par : Nicolas Houle

Six raisons pour lesquelles le spectacle du John Medeski’s Mad Skillet est un must

John Medeski reprend la route cet automne pour une nouvelle série de spectacles en compagnie de sa formation Mad Skillet. Sur son itinéraire, une halte au Palais Montcalm qui s’annonce comme l’un des rendez-vous incontournables de la rentrée culturelle. Voici pourquoi, en six points, rehaussés des commentaires de Medeski, avec lequel je me suis entretenu.

 

1) Le Mad Skillet réunit quatre musiciens d’exception

Le groupe, fondé en 2015, est le bébé John Medeski. Musicien redoutable, qui officie autant au piano qu’à l’orgue ou aux claviers, l’Américain s’est fait connaître pour son travail avec le trio Medeski, Martin & Wood, qui a révolutionné la planète jazz, en particulier durant les années 1990 et 2000. Il est aussi devenu un collaborateur prisé de John Zorn et a œuvré avec une foule d’artistes de renom, dont John Scofield, Marc Ribot, Nels Cline, Jack Bruce, des membres des Bad Brains ou même, à ses débuts, Jaco Pastorius. Pas étonnant que de nombreux festivals de jazz, dont celui de Montréal, se l’arrachent. C’est le polyvalent Will Bernard, secret encore trop bien gardé en dépit de ses collaborations avec Tom Waits ou Ben Sidran, qui donne la réplique à Medeski à la guitare, tandis que la section rythmique, composée de Kirk Joseph (sousaphone) et de Terence Higgins (batterie), est celle du réputé Dirty Dozen Brass Band, troupe dont les Elvis Costello, Dave Matthews ou Modest Mouse se sont entichés.

 

 

2) Une première à Québec et le seul concert du groupe au pays

Malgré sa feuille de route impressionnante, qui fait de lui l’un des musiciens les plus respectés et les plus en demande du jazz moderne, John Medeski ne s’était pas encore produit à Québec. C’est donc une occasion unique de le voir à l’œuvre au sein de son excellente formation. Qui plus est, la présente tournée ne compte qu’une seule halte au Canada et il s’agira du spectacle au Palais Montcalm du 17 septembre. Il faut dire que sur les planches, la musique de la formation prend une autre dimension. En effet, bien que les compositions soient bien structurées, il y a toujours de la place pour qu’elles évoluent, nourries par l’improvisation : « sur scène, c’est plus puissant et excitant, s’emballe John Medeski. […] Les pièces s’ouvrent davantage si c’est de mise, car sur l’album, elles sont plus encadrées. »

 

 

3) Le Mad Skillet est un formidable cocktail de genres musicaux

John Medeski a de l’intérêt pour une panoplie de genres musicaux. Sa formation actuelle incarne ceci à merveille : on y trouve du rock, des envolées psychédéliques, du funk, du jazz, du surf et j’en passe. Laissons la parole à Medeski là-dessus : « Le groupe est tellement bien ancré, avec Terence et Kirk, la section rythmique, que ça retient votre attention et ça vous garde dans le concert [peu importe la direction musicale que le groupe emprunte]. Will Bernard est un guitariste hyper polyvalent, qui est capable de jouer dans tous ces styles et de garder sa personnalité. Le fait est qu’on aime tous différents types de musique et qu’on a tous joué de ces styles, alors on est à l’aise. Rien ne vient d’une conception, rien n’est réfléchi, ça vient plutôt du matériel que l’on ressent et qu’on aime. J’aime qu’il y ait de la diversité dans les concerts et je crois que comme tout le monde dans ce groupe peut être qui il est – davantage que dans d’autres formations – ça garde le tout authentique.

 

 

4) Le groupe s’appuie sur une fascinante section rythmique où le sousaphone joue le rôle de la basse

Le Mad Skillet n’est pas une formation née d’une soudaine rencontre, mais plutôt un quatuor qui a pris forme au fil du temps, en Nouvelle-Orléans. John Medeski et Will Bernard ont en effet pris l’habitude d’aller jouer au Jazz & Heritage Festival de Nouvelle-Orléans depuis plusieurs années et, avec le temps, l’idée de s’associer à la section rythmique du Dirty Dozen Brass Band s’est imposée. « Parmi les différents projets auxquels j’ai participés, je crois que je n’avais jamais exploré les possibilités d’un quatuor du genre et le sousaphone rend ça vraiment unique, le fait d’avoir un instrument à vent au lieu d’une basse, indique John Medeski. En plus, Kirk Joseph est clairement l’un des meilleurs sousaphonistes de la planète, alors il y a une profondeur dans le groove qui est vraiment à part. »

 

 

5) En plus de ses propres compositions, le groupe offre des reprises étonnantes

Dès son premier album éponyme, paru l’an dernier, le Mad Skillet a démontré la qualité et la profondeur de son répertoire, à la fois accessible et audacieux. En plus des titres originaux, on peut apprécier une excellente reprise de The Golden Lady, de Sun Ra. « Vous savez quoi? J’adore Sun Ra, lance John Medeski. Cette pièce semblait être la bonne à faire! Quand je reprends des pièces, c’est important pour moi de ne pas simplement refaire l’originale. Je crois qu’il faut avoir quelque chose à dire avec la chanson et se l’approprier, mais que ça demeure la chanson. Je crois qu’on a été capable d’amener cette pièce ailleurs, pour qu’elle sonne comme nous. Elle apporte une émotion différente du reste du matériel, elle apporte une autre dimension à l’enregistrement. Et en spectacle il y a pas mal d’autre matériel. On touche entre autres à des pièces du Dirty Dozen Brass Band. On a donc les titres de l’album, mais plein d’autres qu’on peut sortir, selon la direction que prend la soirée. »

 

 

6) C’est sur les planches que le Mad Skillet prend tout son sens

Medeski et sa bande ont peut-être une discographie bien remplie, mais c’est d’abord et avant tout sur les planches qu’ils brillent. Il faut dire que pour Medeski, qui a connu l’avant et l’après de l’écrasement de l’industrie du disque, les détours par les studios sont un peu moins fréquents et aisés, ce qui fait que pour saisir l’étendue de son jeu et de sa progression, il faut véritablement le voir à l’oeuvre. « C’est difficile de faire nos enregistrements, de payer pour ça pour que ça sonne bien et que ce soit bien mixé, surtout parce que les albums ne se vendent pas beaucoup, confie Medeski, qui a eu recours à une campagne de socio-financement avec Mad Skillet. Mais à tout le moins la musique circule et peut être entendue d’une manière ou d’une autre. »

 

Les observations de Medeski sur l’industrie musicale étant aussi intéressantes que pertinentes, laissons-le poursuivre :

 « Le plus dur, désormais, c’est que tout le monde veut de la musique gratuite. C’est différent et c’est difficile de faire des albums comme ils étaient faits auparavant. […] La qualité sonore des vieux albums a tout simplement disparu. Les gens n’écoutent même plus la musique sur de bons systèmes de son : ils l’écoutent sur leurs iPhone ou iPad ou leurs ordinateurs. Cette période est disparue et je crois que c’est une portion du problème. »

« Honnêtement, selon moi, ce qui s’est passé avec l’industrie du disque était inévitable. Le système était plein de défauts. Ce qu’il y avait de bien, c’est qu’il y a longtemps, les compagnies se servaient de ce qui rapportait des fonds pour financer des artistes comme Miles Davis et John Coltrane. Les artistes dont le retour était plus grand que les dépenses permettaient d’aller chercher un équilibre. Ainsi, il pouvait y avoir des trucs commerciaux, mais également des trucs artistiques et importants. Or à un certain point, tout est devenu orienté sur le profit, sur essayer de faire des sous à tout prix et les attentes sont devenues que chaque artiste ne devait que toujours rapporter davantage, plutôt que de laisser les artistes se développer. »

« En quelque part, je crois que les compagnies de disques ont eu ce qu’elles méritaient et la musique circule maintenant de manières tellement différentes… On est très heureux dans Medeski, Martin & Wood d’être redevenus indépendants, on était heureux d’avoir le budget qu’on avait à une certaine époque, mais on est aussi heureux d’avoir retrouvé notre indépendance et de ne pas avoir à rendre des comptes à qui que ce soit, pour qui les attentes n’ont rien à voir avec la musique. »

 

JOHN MEDESKI’S MAD SKILLET
17 septembre 2019 • 20 h
Salle Raoul-Jobin du Palais Montcalm

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