Chilly Gonzales : La gamme des émotions

19 octobre 2018

Catégorie Le Journal de Nicolas Houle
Types Entrevue
Écrit par : Nicolas Houle

Chilly Gonzales : La gamme des émotions

Le précédent passage de Chilly Gonzales au Palais Montcalm, en janvier 2016, marquait le début d’une année sabbatique pour le pianiste originaire de Montréal. Cette pause lui a visiblement donné le recul nécessaire pour mieux rebondir : non seulement a-t-il créé son Gonzervatory, sorte d’académie moderne où il a pris de jeunes musiciens sous son aile, mais il a récemment lancé l’album Solo Piano III, en plus de partir en tournée avec son nouveau matériel, ce qui l’amène à faire un retour attendu dans la salle Raoul-Jobin le 24 octobre.

Le musicien et rappeur né Jason Beck, à qui l’on doit le record de la plus longue performance solo (27 heures, 3 minutes et 44 secondes) et qui a l’habitude de monter sur scène avec son peignoir et ses pantoufles, a pris le temps de répondre à nos questions.

 

Q : À votre précédente visite au Palais Montcalm, vous offriez votre dernier concert avant de prendre la toute première année sabbatique de votre carrière. Comment s’est passée cette année et qu’est-ce qu’elle vous a apporté?

R : J’ai écrit les pièces qui sont devenues Solo Piano III durant l’hiver et l’été, à Montréal.

 

 

Q : Les albums Solo Piano occupent désormais une place à part dans votre répertoire. Pour le premier, vous n’aviez pas forcément d’attente de la part du public et pas de préconception de votre côté. Maintenant, c’est comment?

R : C’était difficile d’achever Solo Piano II et III, parce que j’étais conscient de la possibilité de décevoir les gens qui ont aimé le premier Solo Piano, qui est né de façon non préméditée. Le troisième d’une série, en particulier, est terrifiant, parce les finales sont très importantes dans les trilogies. Je suis heureux de ne pas avoir à faire un Solo piano IV. Je pourrai faire davantage de musique seul au piano, mais elle ne fera pas partie de cette série.

 

Q : Vous dites que ce pourrait être le dernier Solo piano. Jusqu’à quel point vous pourriez-vous vous passer de ça? Vous faites toutes sortes de choses, du rap, des collaborations, de la réalisation, mais n’est-ce pas aussi un rituel, une forme de ressourcement pour vous?

R : J’aime le luxe d’avoir un nouvel album qui est quelque chose de différent, comme faire table rase à chaque fois : Chamber music! Ma collaboration avec Jarvis Cocker! C’est comme s’habiller d’une nouvelle tenue à chaque fois.

 

Q : Il y a une pièce sur cet album, Chico, qui réfère visiblement au musicien et comédien Chico Marx. Cet artiste qui était un formidable entertainer au piano a été une grande source d’inspiration pour vous?

R : Oui, parce que c’était un musicien qui démontrait un réel respect pour son public. Jusqu’à ce que je le vois, dans un film, j’étais dans l’univers strict de « respectez le compositeur », dans mes cours de musique classique. Chico est un pianiste et un entertainer de classe mondiale.

 

 

 

Q : Difficile d’éviter le fait que chaque pièce de Solo Piano III est dédiée à quelqu’un en particulier. Pourquoi avoir décidé de vous en dédier une, officiellement?

R : October 3rd est un morceau particulier, c’est la façade de cet album au plan émotionnel. Je voulais que les gens comprennent que celle-ci est différente, tout en protégeant ma vie privée, quant aux détails des changements de vie qui se sont passées à cette date.

 

Q : Au-delà du musicien, il y a un communicateur en vous. D’où vous vient ce désir de partager votre conception de la musique, de la création et du spectacle?

R : C’est parce que tous les musiciens que j’admire étaient des entertainers, des enseignants et de grands orateurs. La musique est puissante, mais elle le devient encore davantage lorsqu’on y joint une histoire.

 

Q : Vous avez mis sur pied le Gonzervatory, une sorte de conservatoire nouveau genre, ralliant de jeunes musiciens autour du monde, qui ont bénéficié de vos conseils et de ceux d’artistes comme Peaches, Socalled ou Jarvis Cocker. Vous avez été satisfait du résultat? C’est quelque chose que vous referez?

R : Ça se reproduira tous les ans jusqu’à ce que je meure. J’en suis dépendant, obsédé et je veux toujours apprendre et chercher la bonne manière d’aider les jeunes musiciens.

 

 

 

Q : Vous me corrigerez si je me trompe, mais je crois que c’est durant votre fameux marathon au piano que vous avez découvert en quelque sorte que vous étiez, et là je vous cite, un « pianiste jazz de bar ». Vous pouvez élaborer un peu là-dessus? Parce qu’il me semble que vous mettre une étiquette n’est pas nécessairement si évident que ça, en raison de vos intérêts divers, notamment pour le rap et la pop…

R : Je voulais simplement dire que lorsque vous enlevez tout, je suis un pianiste de bar. Mais être intéressé par la musique d’aujourd’hui n’est pas incompatible avec cela. Le rôle de base d’un pianiste de bar est de charmer les oreilles qui l’écoutent, même si elles ne sont pas conscientes qu’elles l’écoutent! La musique de fond peut aussi être puissante et importante. Nous avons besoin de bonne musique de fond.

  

Q : Vous êtes au coeur du film Shut Up and Play Your Piano. Ça vous plaît un tel documentaire? Ça vous force à revoir votre trajectoire et à mieux la comprendre?

R : Je ne l’ai pas vu.

 

 

 

Q : Les clips de Solo Piano III sont en « pianovision », c’est-à-dire avec une caméra qui filme vos mains sur le clavier du piano. Il y aura de la pianovision lors des spectacles de cette tournée?

R : Pas au Canada, malheureusement.

 

Q : Avez-vous déjà pensé à faire de la pedalvision? Je demande ça à la blague, mais tout de même, le jeu de pédale est important pour vous, non?

R : Les pédales sont quelque chose d’extrêmement important, elles sont comme les effets de réverbération ou d’écho qu’un guitariste pourrait utiliser ou comme le filtre d’égalisation qu’un DJ pourrait utiliser.

 

Q : Pour cette nouvelle tournée, vous aurez deux musiciens sur scène avec vous, au violoncelle (Stella Le Page) et aux percussions (Joe Flory). Dans quel répertoire comptez-vous aller?

R : Ce sera une surprise! Pas de divulgâcheurs!

 

Chilly Gonzales sera de passage au Palais Montcalm le 24 octobre 2018. Le spectacle affiche complet!