21 août 2024
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Le Journal de Nicolas Houle
Écrit par : Yves Leclerc
Alors que la situation mondiale est particulièrement complexe et tendue, Alain Lefèvre se présentera au Palais Montcalm, le 5 octobre, avec un récital constitué d’œuvres consolatrices et porteuses de paix.
Au programme, on retrouvera La Valse de Ravel, Rêverie, Clair de lune, l’Îsle joyeuse et les Arabesques de Debussy ainsi que Rhapsodie romantique d’André Mathieu. Des œuvres qu’il a étudiées et travaillées lors de ses années au Conservatoire de Paris et qui, pour certaines, sont présentes sur ses albums My Paris Years et Paris Memories.
« Il ne faut pas être la tête à Papineau pour savoir que notre monde est profondément troublé. Et ça, c’est le mot le plus poli que j’ai pu trouver », a-t-il laissé tomber, lors d’un entretien en visioconférence, en direct de sa résidence en Grèce.
Il y aura, lors de ce récital, de la poésie, les parfums de Claude Debussy et la fougue et le romantisme d’André Mathieu. Un récital, selon ses intentions, qui sera consolateur et qui donnera des ailes. « Des compositeurs, dit-il, qui avaient tous un côté humaniste. »
« La Valse de Ravel est porteuse d’une volonté de paix à l’intérieur d’un monde qui, actuellement, ne fait que glorifier la guerre. Je suis toujours impressionné de voir qu’en 2024, les humains n’ont pas plus évolué, que les guerres profitent à tout le monde et que nous nous retrouvons dans une situation qui est souvent insoutenable », a-t-il fait savoir.
Le poème chorégraphique de Ravel représente, pour le pianiste-compositeur, un bon défi d’interprétation. Tout comme la version solo de la Rhapsodie romantique d’André Mathieu que le public de Québec aura l’occasion d’entendre pour une des premières fois.
« Ce sont des œuvres difficiles du point de vue technique et pianistique. Pour Rêverie et Clair de lune, de Debussy, ça nécessite, non seulement, un piano hors du commun, mais aussi une salle de concert qui peut soutenir le pianiste dans des douceurs et des puissances extrêmes. Ce qui est le cas avec celle du Palais Montcalm », a-t-il indiqué.
Depuis des années, Alain Lefèvre a pour mission de redonner une nouvelle vie aux œuvres du compositeur québécois André Mathieu. Est-ce qu’il est satisfait du travail accompli?
« Ce que je trouve le plus désolant, c’est que je suis un peu seul dans cette mission », a-t-il fait remarquer, soulignant la biographie écrite par George Nicholson et le film L’Enfant prodige, l’incroyable destinée d’André Mathieu, réalisé par Luc Dionne.
Alain Lefèvre aimerait voir les ambassades canadiennes, partout dans le monde, se joindre à lui dans cette mission.
« Ce travail est colossal. Je ne suis pas un ambassadeur. Je suis pianiste. C’est bien que les ambassades mettent des albums de Céline Dion dans leurs paniers cadeaux, mais le Québec, ce n’est pas juste ça. Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas. Ce n’est pas ça le point », a-t-il mentionné.
Dans les 40 pays et plus où il a interprété André Mathieu, les émotions étaient présentes et bien ressenties.
« Que ce soit à Londres, à Paris, à Shanghai, à Beijing, tout le monde aime André Mathieu. La salle du Carnegie Hall s’est levée d’un seul bond après le 4e concerto d’André Mathieu », a-t-il raconté, en indiquant qu’il n’avait pas du tout acheté le public.
Le pianiste-compositeur n’est pas déçu. Il est heureux de voir des jeunes pianistes du Québec reprendre et jouer les œuvres du pianiste québécois décédé à l’âge de 39 ans en 1968.
« Je suis surpris de voir qu’il n’y a pas eu encore un organisme officiel, qu’il soit canadien ou québécois, communiquer avec moi pour démontrer leur intérêt et rendre l’édition de cette musique disponible partout dans le monde. C’est ce qui me désole », a-t-il dit.
Alain Lefèvre vient de compléter l’enregistrement de son prochain opus. Un album de 11 compositions qui s’intitulera Consolation. Warner Classics devrait, à partir de l’automne, déposer quelques pièces sur les plateformes d’écoute musicale. L’album sera ensuite lancé en février 2025.
Alain Lefèvre a voulu apporter une précision concernant les réactions de certains de ses compatriotes québécois qui ont été choqués par les titres anglais de ses deux albums réalisés chez Warner.
« Je ne suis absolument pas responsable des titres. Warner choisit ses titres en fonction d’un marché qui est mondial, où il y a plus de gens qui comprennent l’anglais que le français. Ce n’est pas un choix de ma part. C’est une décision prise par la maison mère. Je suis content du titre du prochain opus, parce que Consolation, ça se dit bien dans les deux langues. Je vais avoir moins de problèmes », a-t-il laissé tomber, en riant.
Alain Lefèvre avoue qu’il a encore le trac avant de monter sur les planches.
« C’est toujours un peu présent. La grande actrice Sarah Bernhardt avait indiqué, il y a des décennies, lors d’une classe de maître à Paris, que le trac fait partie de la carrière et l’émotion de l’artiste. Une jeune chanteuse anglaise, présente, s’était levée pour lui dire, d’une manière un peu arrogante, qu’elle n’avait jamais le trac. Sarah Bernhardt lui avait répondu qu’elle n’avait pas à s’inquiéter et que ça venait avec le talent. Le trac, c’est une espèce d’état qui rend l’artiste émouvant et vulnérable et qui fait que l’artiste, souvent, se dépasse », a-t-il raconté.