Versions of the Truth The Pineapple Thief et la puissance du minimalisme

10 septembre 2020

Catégorie Le Journal de Nicolas Houle
Types Entrevue, Vidéo
Écrit par : Nicolas Houle

The Pineapple Thief et la puissance du minimalisme

Loin de se laisser ralentir par la pandémie, The Pineapple Thief a travaillé de manière soutenue ces derniers mois, tant si bien que le groupe anglais vient tout juste de lancer Versions of the Truth, un album tantôt aérien, tantôt mordant, dont le propos est bien de son temps, comme le laisse présager le titre. Le batteur-vedette Gavin Harrison, impliqué plus que jamais dans la genèse du matériel, s’est entretenu avec nous.

Gavin Harrison

Le temps d'une chanson

Rencontrez le batteur et percussionniste Gavin Harrison… le temps d’une chanson.

Bruce Soord, le chanteur et guitariste de Pineapple Thief, vous le dira volontiers: lorsque sa troupe planchait sur Your Wilderness (2016), elle était au bord du précipice et croyait bien signer son dernier album. Tout a basculé lorsque Gavin Harrison a été approché pour assurer la batterie. Intéressé par le matériel, Harrison a voulu être davantage qu’un musicien-pigiste. Il a ainsi rejoint la formation, qui a soudainement connu une impressionnante ascension, se poursuivant avec Dissolution (2018) et qui n’est pas prête de s’arrêter avec Versions of the Truth.

«Je n’étais pas été intéressé par le simple fait de jouer de la batterie sur les albums des autres, être un musicien de studio, explique Gavin Harrison. J’ai perdu mon intérêt pour cela. J’aime vraiment faire des collaborations où je peux jouer de la batterie tout en suggérant « Hey, que penses-tu de cet accord? » ou « si j’écrivais un passage pour le marimba? » ou « Et si c’était en 7/8? ».  […] Donc, dès que j’ai rencontré Bruce, Steve et Jon pour Your Wilderness, il y a de cela trois albums, je me suis grandement impliqué parce que j’ai aimé la musique et que j’ai voulu en faire partie, collaborer à l’étape de l’écriture.»

La puissance du minimalisme

Certes, Harrison a voulu trouver sa place au sein de la bande, mais ce n’était pas pour braquer les projecteurs sur son jeu derrière les fûts. En effet, aussi vénéré soit-il par les amateurs de musique, Harrison est un adepte du «less is more», un point qui paraît évident sur Versions of the Truth, où Pineapple Thief ne craint pas certains titres dépouillés et délicats, qui respirent bien.

«J’aime cela lorsque quelqu’un conçoit le minimalisme, le vide absolu et la puissance que cela peut être. Il est très facile de jouer plein de notes et de faire beaucoup de bruit, de tout combler, de faire un mur de son. Mais parfois, vous pouvez mettre de l’avant vos émotions bien mieux lorsqu’il y a davantage d’espace. […] Superposer trop de choses l’une sur l’autre est vraiment une erreur, parce qu’elles s’annulent mutuellement.»

Versions of the Truth a par ailleurs été l’occasion pour Gavin Harrison de s’impliquer au-delà du volet musical. C’est en effet à lui qu’on doit l’idée de la pochette. Le père de sa conjointe, feu Michael Schoenholtz, étant artiste, principalement sculpteur, mais aussi graveur, Harrison a eu la chance de voir plusieurs de ses œuvres. Un jour, en tombant sur des catalogues d’exposition que sa femme avait ramené à la maison, il a constaté qu’une de ces œuvres pourrait très bien illustrer Versions of the Truth.

«J’ai trouvé près de vingt des gravures de Michael pour les montrer au groupe. Je ne leur ai pas dit qu’elles étaient faites par le père de ma petite-amie qui est mort l’année dernière. Je ne leur ai donné aucun indice sur l’identité de l’artiste parce que je voulais une réaction honnête. […] En l’espace de cinq minutes, ils ont dit « Oui, oui, oui, oui, on aime ça! » « J’aime celle-là, celle-là, celle-là et celle-là. » En cinq minutes, nous avions notre couverture d’album… Cela a eu le même effet sur eux que sur moi!»

Gavin Harrison

L'entrevue complète

Une rencontre avec Nicolas Houle, directeur de la programmation du Palais Montcalm

Appelé en renfort par Porcupine Tree et King Crimson

Plusieurs amateurs ont découvert Gavin Harrison alors qu’il était au sein de Porcupine Tree, groupe qu’il a joint pour l’album In Absentia (2002). Cette année a justement eu lieu la publication d’une édition spéciale de cet enregistrement. Les souvenirs d’Harrison? Il avait été appelé en catastrophe car le band de Steven Wilson venait de perdre son batteur à la veille d’entrer en studio…

«Ils m’ont donc appelé et, en un mois, je me retrouvais dans le studio pour enregistrer les chansons. C’était juste une session d’enregistrement, mais j’ai aimé la musique et les gars, et j’ai aimé la façon dont je pouvais m’insérer dans la musique. Une relation a vu le jour et, au moment où ils ont fini la session et sont revenus de New York, ils m’ont offert de joindre le groupe.»

Avoir les talents de Gavin Harrison, ça veut dire être en demande et l’Anglais prête aussi ses baguettes à King Crimson. C’est d’ailleurs à lui que le leader Robert Fripp a confié la tâche d’orchestrer le matériel complexe du groupe lorsqu’il a décidé de partir sur la route avec non pas une, ni deux, mais bien trois batteries! Notre adepte du minimalisme s’est ainsi retrouvé dans un projet fort différent, mais où il brille tout autant.

«Robert m’a dit: « Je veux que tu réinventes la batterie rock et je veux que tu fasses des arrangements pour trois batteurs. » Cela est très difficile à faire sans la présence des deux autres batteurs. À ce moment, c’étaient Bill Rieflin, qui vivait à Seattle et Pat Mastelotto, qui vit à Austin, au Texas. J’ai un studio ici [en Angleterre]. Je me suis donc enregistré à trois reprises pour m’assurer que les parties pouvaient fonctionner ensemble. Mais, jouer moi-même trois fois est une chose, alors que cela en est une tout autre lorsque vous entendez deux batteurs distincts, qui ont un style différent sur une batterie qui sonne différemment. […] Ça demande beaucoup d’expérimentation et de créativité pour trouver de bonnes solutions. Il a probablement fallu 2 ou 3 ans d’existence de cette version du groupe afin de vraiment distinguer ce qui fonctionnait et ce qui n’était que du bruit…»

Revenir à Québec

À l’automne 2019, The Pineapple Thief faisait sa première véritable tournée américaine et sa halte au Palais Montcalm avait été particulièrement courue, affichant complet. Il est encore trop tôt pour prédire quand aura lieu la prochaine tournée du groupe de ce côté-ci de l’océan, mais il est certain qu’on espère pouvoir accueillir la troupe dans la salle Raoul-Jobin, pour laquelle Harrison n’a que de bons mots…

«Je me rappelais de cette salle pour y avoir joué avec King Crimson deux ou trois années plus tôt, parce que nous y avons répété pendant quatre ou cinq jours. Ensuite, nous y avons probablement présenté deux ou trois spectacles… Vous savez, dans Pineapple Thief, nous jouons dans beaucoup de clubs qui sont parfois vraiment sales et funky avec une toilette, une arrière-scène horrible, rien ne fonctionne… Bien entendu, dans cette salle magnifique à Québec tout fonctionne, c’est comme la salle parfaite. Nous avons été gâtés, puisque c’était la première représentation de la tournée! […] Et elle est très bien située, juste à côté de la vieille ville. Cette salle est un rêve devenu réalité, vraiment!»

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