Brubeck vu par ses fils

1 décembre 2022

Catégorie Le Journal de Nicolas Houle
Écrit par : Nicolas Houle

Brubeck vu par ses fils

Dave Brubeck a écrit plusieurs pages de l’histoire de la musique, notamment avec ses compositions aux rythmes atypiques, dont le fameux Blue Rondo A La Turk. En 2020, le jazzman américain aurait eu 100 ans et, afin de célébrer son riche répertoire, qui de mieux placé que ses propres fils? Le Brubeck Brothers Quartet débarquera ainsi au Palais Montcalm le 9 décembre afin de retracer le parcours de la défunte légende en musique, bien sûr, mais aussi avec quelques anecdotes…

Chez les Brubeck, la musique fait partie de l’ADN familial. Quatre des six enfants de Dave Brubeck (1920-2012) et de la parolière Iola Whitlock ont en effet suivi les traces de leurs parents. Chris (basse, trombone) et Dan (batterie), en plus d’avoir joué plusieurs années dans la formation de leur père, ont développé une carrière bien à eux, en particulier avec The Brubeck Brothers Quartet, qui s’est attiré les éloges de la critique. C’est d’ailleurs avec cet ensemble qu’ils se proposent d’offrir leurs lectures des œuvres de papa Dave.

« Nous jouons plusieurs des pièces les plus connues de Dave [Brubeck], mais également, pour notre plaisir, nous interprétons de magnifiques pièces que le public pourrait moins connaître, indique Chris Brubeck. Je raconte aussi plusieurs histoires sur comment ces compositions ont pris forme. (…) Nous sommes particulièrement bien placés pour raconter son histoire, ayant joué dans ses groupes, enregistré des albums et fait des tournées ensemble, dans mon cas durant plus de 50 ans! »

Au-delà du jazz

Le Brubeck Brothers Quartet ne se contente pas de livrer le matériel en se collant aux versions des enregistrements qui ont fait date. L’improvisation – omniprésente dans le genre – joue bien sûr un rôle-clé. Et puis les fils Brubeck ont aussi une vision qui est la leur et qui transcende parfois le jazz… Une approche que n’aurait certainement pas reniée leur père, qui s’est aussi intéressé à d’autres genres, dont la comédie musicale et la musique classique…

« J’étais un musicien de rock avant que mon père ne me dise « hey, pourquoi tu ne viens pas jouer du jazz avec moi? », raconte Chris Brubeck. Mon frère Dan est un grand batteur de jazz, mais il a cette énergie hallucinante, comme si Keith Moon, des Who, devenait un batteur de jazz! Nous avons tous ce bagage musical dans le groupe : nous sommes des jazzmen, mais nous partageons un amour particulier pour le meilleur du rock de la belle époque! »

Dans sa version habituelle, la formation des frères Brubeck est complétée par le pianiste Chuck Lamb et par le guitariste Mike DeMicco. Or pour cette première visite à Québec, DeMicco cédera sa place au saxophoniste Lucas Pino. Certains seront tenté de voir là un rapprochement avec le quatuor classique de Dave Brubeck, à l’époque où Paul Desmond était à ses côtés. Il faut cependant savoir que Pino joue du saxophone ténor, alors que Desmond soufflait dans un sax alto… Cela dit, la présence de Pino est indéniablement liée à l’histoire des Brubeck.

« J’ai entendu [Lucas Pino] alors qu’il était à l’école secondaire et il sonnait comme Mike Brecker, raconte Chris Brubeck. Je l’ai donc incité à appliquer pour qu’il obtienne une bourse à la Brubeck Institute, sur la côte Ouest et il a été sélectionné! Donc il a connu mon père et a travaillé pour lui alors qu’il était étudiant. C’est vraiment bien qu’il puisse être notre invité, c’est un joueur de saxophone formidable! »

 

Se faire un prénom

Marcher dans les pas d’un parent célèbre n’est pas toujours évident. Plusieurs descendants de personnalités bien connues ont en effet eu du mal à tracer leur propre route, les projecteurs demeurant trop souvent rivés sur les accomplissements de leurs parents. Pour les Brubeck, il semble que la dynamique ait été différente. Du haut de ses 70 ans, Chris, qui s’est distingué autant à la basse qu’au trombone et à titre de compositeur, reconnaît que le défi a peut-être été plus grand pour son frère Darius, qui a choisi le piano et les claviers comme instruments. Néanmoins, il croit au contraire que le nom Brubeck lui a ouvert bien des portes et c’est sans doute pourquoi il peut célébrer aujourd’hui le répertoire de son père tout en offrant, avec son frère Chris, une approche et une perspective uniques.

« Il y a eu plus d’avantages que d’inconvénients, constate-t-il. À l’âge de 25 ans, j’avais déjà enregistré trois albums dans un groupe rock’n’roll et fait plusieurs de tournées. Lorsque [Dave Brubeck] m’a demandé de joindre son groupe, je me suis demandé: « est-ce que je veux vivre dans des hôtels miteux toute ma vie et conduire des centaines de kilomètres dans une fourgonnette déglinguée pour me rendre au prochain spectacle? Ou est-ce que je veux commencer une meilleure vie en étant musicien de jazz? » […] Alors ça a été une décision facile pour moi! »

The Brubeck Brothers Quartet, Palais Montcalm, Salle Raoul-Jobin, 9 décembre, 19h30