Cameron Carpenter Obsession pour un instrument exigeant

1 février 2024

Catégorie Le Journal de Nicolas Houle
Écrit par : Yves Leclerc

Obsession pour un instrument exigeant

Lorsqu’il a posé ses doigts pour la toute première fois sur un orgue, Cameron Carpenter avait cinq ans. Contrairement à bien des musiciens, l’organiste américain n’est pas tombé en amour avec cet instrument immense et complexe. Il a plutôt développé une obsession.

Le musicien et compositeur de 42 ans, qui a étudié à la prestigieuse école Juilliard à New York, sera de passage le 24 février à la salle Raoul-Jobin. Pour sa toute première visite à Québec, il interprétera les Variations Goldberg, de Bach, le Choral no. 2 en si mineur de Franck et Tableaux d’une exposition, de Moussorgski. Un concert qui soulignera le 10e anniversaire de l’orgue Casavant du Palais Montcalm.

Le musicien originaire de Titusville, en Pennsylvanie, qui vit à Berlin, en Allemagne, n’a pas la langue dans sa poche. Il dit les choses clairement, en allant au-delà des clichés.

« L’orgue est un instrument hautement problématique et pas sympathique. C’est très exigeant et pas uniquement en raison du côté physique de la chose. Jouer d’un instrument de musique demande un dévouement total et des heures et des heures supplémentaires. Ce n’est pas exclusif à l’orgue, mais l’orgue, lui, ne pardonne pas », a-t-il mentionné.

Cameron Carpenter précise que c’est l’aspect technique et de haute voltige de l’orgue, où le musicien devient une sorte d’interface, qui l’a attiré vers cet instrument.

« J’essaie de m’intégrer à la machine et c’est pourquoi j’ai choisi l’orgue et non un autre instrument de musique, comme celui que l’on tient dans nos mains, qui est réchauffé par notre corps ou que l’on active avec nos poumons. Un des aspects puissants de l’orgue, c’est que ça ne nécessite pas un investissement côté respiration, comme souffler dans une trompette ou chanter. Il y a un détachement intellectuel entre le corps et l’orgue. Les sons ne sont pas générés par le corps du musicien, mais en appuyant sur des boutons », a-t-il fait remarquer.

Il explique que la chose peut sembler cruelle pour un non-initié, mais il maintient que c’est une des belles qualités de l’orgue.

« On peut aller chercher, avec un minimum d’implication physique, toutes les subtilités de sons de cet instrument. Ça, c’est un aspect unique de l’orgue. Cette variété de sons représente, symboliquement, l’étendue de l’expérience humaine. C’est ce spectre sonore qui a une signification et qui est attirant pour ceux qui s’intéressent à cet instrument. C’est le cas en ce qui me concerne », a-t-il précisé.

Sur scène, Cameron Carpenter se sent comme un pilote de jet ou comme s’il était aux commandes d’un avion.

« Jouer de l’orgue demande une grande attention aux détails. C’est un instrument que tu ne peux pas traiter émotionnellement. C’est mon approche lorsque je joue. L’expérience émotionnelle, elle est pour l’auditoire, pas pour celui qui joue. Je suis quelqu’un de relativement linéaire côté émotions », a-t-il fait savoir.

Une étonnante collaboration

Détail intéressant, on peut entendre Cameron Carpenter chanter sur la pièce Even After, de l’album Night Music, du chanteur américain Joe Jackson. Il avait 12 ans à l’époque.

« J’étais un jeune soprano et je faisais partie de l’American Boy Choir School à Princeton dans le New Jersey qui, à l’époque, était une des plus grandes écoles de chant. Ce fut pour moi des années très formatives et enrichissantes musicalement. J’ai appris beaucoup sur le chant choral et sur le sens de la musique que je n’aurais pas pu apprendre autrement », a-t-il indiqué.

Joe Jackson avait besoin d’une voix de soprano pour son nouvel album. Quatre enfants de l’école ont été sélectionnés pour la séance d’enregistrement à New York.

« J’ai été choisi même si je n’étais pas le meilleur chanteur du groupe. J’ai été chanceux et je suis fier de cet enregistrement. C’est quelque chose de spécial », a-t-il raconté.

Après avoir lancé l’opus Bach and Hanson, en 2021, où il reprend les Variations Goldberg et la Symphonie No. 2 de Howard Hanson, Cameron Carpenter travaille sur un nouveau projet qu’il garde confidentiel pour le moment.

Le mot génie est souvent lancé lorsque l’on parle de Cameron Carpenter. Un compliment qui le laisse un peu de marbre.

« Je ne m’occupe pas trop de ça. Je dois faire des oeufs et des pommes de terre comme tout le monde le matin. Je me sens plus souvent comme un moins que rien que comme un génie », a-t-il laissé tomber.